Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/179

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Les yeux distraits de la voyageuse, suivant machinalement ces ondulations de lumière, s’arrêtèrent tout à coup sur une inscription qui ressortait en blanc sur un des chambranles noircis de la cheminée. Elle tressaillit alors, passa la main sur ses yeux appesantis, ramassa un bout de branche embrasée pour examiner les caractères, et la laissa retomber en s’écriant d’une voix émue : — Ah Dieu ! où suis-je ? est-ce un rêve que je fais ?

À cette exclamation, la servante s’éveilla brusquement, et, se tournant vers elle, lui demanda si elle l’avait appelée.

— Oui, oui, s’écria l’étrangère ; venez ici. Dites-moi, qui a écrit ces deux noms sur le mur ?

— Deux noms ? dit la servante ébahie ; quels noms ?

— Oh ! dit l’étrangère en se parlant avec une sorte d’exaltation, son nom et le mien, Pauline, Laurence ! Et cette date ! 10 février 182… ! Oh ! dites-moi, dites-moi pourquoi ces noms et cette date sont ici ?

— Madame, répondit la servante, je n’y avais jamais fait attention, et d’ailleurs je ne sais pas lire.

— Mais où suis-je donc ? comment nommez-vous cette ville ? N’est-ce pas Villiers, la première poste après L… ?

— Mais non pas, Madame ; vous êtes à Saint-Front, route de Paris, hôtel du Lion couronné.

— Ah ciel ! s’écria la voyageuse avec force en se levant tout à coup.

La servante épouvantée la crut folle et voulut s’enfuir ; mais la jeune femme l’arrêtant :

— Oh ! par grâce, restez, dit-elle, et parlez-moi ! Comment se fait-il que je sois ici ? Dites-moi si je rêve ? Si je rêve, éveillez-moi !

— Mais, Madame, vous ne rêvez pas, ni moi non plus, je pense, répondit la servante. Vous vouliez donc aller à Lyon ? Eh bien ! mon Dieu, vous aurez oublié de l’expli-