et aussi généreux s’expose à vous causer peut-être une petite contrariété ; mais il se présente pour lui une magnifique affaire à conclure. Un petit bâtiment smyrniote que nous connaissons vient d’apporter une cargaison de soie vierge.
— Oui, j’ai entendu parler de cela, balbutia Spada de plus en plus effrayé.
— L’armateur du smyrniote a appris en entrant dans le port un échec épouvantable arrivé à sa fortune ; il faut qu’il réalise à tout prix quelques fonds et qu’il coure à Corfou, où sont ses entrepôts. Abul, voulant profiter de l’occasion sans abuser de la position du Smyrniote, lui offre 2,500 sequins de sa cargaison ; c’est une belle affaire pour tous les deux, et qui fait honneur à la loyauté d’Abul, car on dit que le maximum des propositions faites ici au Smyrniote est de 2,000 sequins. Abul, ayant la somme excédante à sa disposition, compte sur le billet à ordre que vous lui avez signé ; vous n’apporterez pas de retard à l’exécution de nos traités, nous le savons, et vous prions, cher seigneur Zacomo, d’être assuré que sans une occasion extraordinaire…
— Oh ! faquin ! délivre-moi au moins de tes phrases, s’écriait dans le secret de son âme le triste Spada ; bourreau, qui me faites manquer la plus belle affaire de ma vie, et qui venez encore me dire en face de payer pour vous ! »
Mais ces exclamations intérieures se changeaient en sourires forcés et en regards effarés sur le visage de M. Spada. « Eh quoi ! dit-il enfin en étouffant un profond soupir, Abul doute-t-il de moi, et d’où vient qu’il veut être soldé avant l’échéance ordinaire ?
— Abul ne doutera jamais de vous, vous le savez depuis longtemps, et la raison qui l’oblige à vous réclamer sa somme, votre seigneurie vient de l’entendre. »