Page:Sand - Le Secrétaire intime — Mattéa — La Vallée noire, 1884.djvu/275

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moindre atteinte de regret à l’amateur éclairé qui trouvait la matrone Loredana plus belle que sa fille.

La princesse Veneranda fut dérangée au milieu de son précieux sommeil par l’arrivée de Mattea à une heure indue. Il n’est guère d’heures indues à Venise  ; mais en tout pays il en est pour une femme qui subordonne toutes ses habitudes à l’importante affaire de se maintenir le teint frais. Comme pour ajouter au bienfait de ses longues nuits de repos, elle se servait d’un enduit cosmétique dont elle avait acheté la recette à prix d’or à un sorcier arabe, elle fut assez troublée de cet événement, et s’essuya à la hâte pour ne point faire soupçonner qu’elle eût besoin de recourir à l’art. Quand elle eut écouté la plainte de Mattea, elle eut bien envie de la gronder, car elle ne comprenait rien aux idées exaltées  ; mais elle n’osa le faire, dans la crainte d’agir comme une vieille et de paraître telle à sa filleule et à elle-même : Grâce à cette crainte, Mattea eut la consolation de lui entendre dire : « Je te plains, ma chère amie  ; je sais ce que c’est que la vivacité des jeunes têtes  ; je suis encore bien peu sage moi-même, et entre femmes on se doit de l’indulgence. Puisque tu viens à moi, je me conduirai avec toi comme une véritable sœur et te garderai quelques jours, jusqu’à ce que la fureur de ta mère, qui est un peu trop dure  ; je le sais, soit passée. En attendant, couche-toi sur le lit de repos qui est dans mon cabinet, et je vais envoyer chez tes parents afin qu’en s’apercevant de ta fuite ils ne soient pas en peine.

Le lendemain M. Spada vint remercier la princesse de l’hospitalité qu’elle voulait bien donner à une malheureuse folle. Il parla assez sévèrement à sa fille. Néanmoins il examina avec une anxiété qu’il s’efforçait vainement de cacher la blessure qu’elle avait au front. Quand il eut reconnu que c’était peu de chose, il pria la