Page:Sand - Le Secrétaire intime — Mattéa — La Vallée noire, 1884.djvu/306

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car je ne le trouve nulle part dans le vieux français d’oc ou d’oil. Zou est un pronom relatif qui ne s’applique qu’au genre neutre. Le berrichon de la Vallée-Noire est donc riche du neutre perdu en France. On dit d’un couteau : ramassez zou, d’un panier faut zou s’emplir. On ne dira pas d’un homme tombé de cheval faut zou ramasser. Le bétail noble non plus n’est pas neutre. On ne dit pas du bœuf, tuez zou, ni du cheval mène zou au pré ; mais toute bête vile et immonde, le crapaud, la chauve-souris, subissent l’outrage du zou ; écrase zou : zous attuche pas, anc tes mains !

Les civilisés superficiels prétendent que les paysans parlent un langage corrompu et incorrect. Je n’ai pas assez étudié le langage des autres localités pour le nier d’une manière absolue, mais quant aux indigènes de la Vallée-Noire, je le nie particulièrement et positivement. Ce paysan a ses règles de langage dont il ne se départ jamais, et en cela son éducation faite sans livres, sans grammaire, sans professeur, et sans dictionnaire, est très-supérieure à la nôtre. Sa mémoire est plus fidèle, et à peine sait-il parler, qu’il parle jusqu’à sa mort d’une manière invariable. Combien de temps nous faut-il, à nous autres, pour apprendre notre langue ? et l’orthographe ? Le paysan n’écrit pas, mais sa prononciation orthographie avec une exactitude parfaite. Il prononce la dernière syllabe des temps du verbe au pluriel, et, au lieu de laisser tomber, comme nous, cette syllabe muette, ils mangent, ils marchent, il prononce ils mangeant, ils marchant. Jamais il ne prendra le singulier pour le pluriel dans cette prononciation, tandis que nous, c’est à coups de pensums que nous arrivons à ne pas écrire ils mange, ils marche. Ailleurs, le paysan dira peut-être : ils mangeont, ils marchont ; jamais le paysan de la Vallée-Noire ne fera cette faute.