Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/195

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c’est une accoutumance que j’ai de l’appeler comme ça), le Corinthien, que je dis, lui a répondu : Essayez-y donc, notre bourgeois, si le cœur vous en dit. Et voilà qu’il a jeté la pièce par terre de toute sa force ; et voilà qu’elle ne s’est point cassée, sans quoi je lui cassais la tête avec mon marteau.

— Est-ce là tout ? demanda Pierre Huguenin.

— Vous n’en trouvez pas assez, maître Pierre ? excusez ! dit le Berrichon.

— Moi, j’en trouve trop, dit le père Huguenin, qui était devenu pensif. Vois-tu, Pierre, je te l’avais prédit : le fils Lerebours te veut du mal, et il t’en fera.

— Nous verrons bien, répondit Pierre.

En effet, Isidore Lerebours, ayant appris de quelle manière Pierre Huguenin avait critiqué et refait son plan d’escalier, nourrissait contre lui une profonde rancune. La veille il avait dîné au château, à la table du comte de Villepreux ; car c’était le dimanche, et ce jour-là le comte invitait, avec le curé, le maire et le percepteur, M. Lerebours et son fils. Le système du comte était qu’il y a toujours dans un village quatre à cinq individus sur lesquels il faut se conserver la haute main, et qu’on enchaîne plus avec la politesse d’un dîner qu’avec le droit et les bonnes raisons. M. Isidore était fort vain de ce privilège. Il portait au château l’éclat de ses plus ridicules toilettes, y cassait chaque fois plus ou moins d’assiettes et de carafes, y savourait les meilleurs vins d’un air de connaisseur, y recevait toujours du maître quelque bonne leçon dont il ne savait pas profiter, et s’y permettait de regarder avec impudence la jolie petite marquise des Frenays.

Ce premier dimanche se présenta fort à point pour assouvir la vengeance d’Isidore. Naturellement, pendant que le comte faisait, après dîner, son cent de piquet avec le curé, on parla des travaux de la chapelle, et le vieux