Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/61

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CHAPITRE VI.

Tandis que Pierre Huguenin cheminait pédestrement par les coursières fleuries, si bien connues des ouvriers nomades, qui coupent la France dans toutes ses directions à vol d’oiseau, une lourde berline de voyage roulait en soulevant des flots de poussière sur la grande route de Blois à Valençay. Ce n’était rien moins que la famille de Villepreux qui approchait de son château avec une imposante rapidité.

Il n’est pas besoin de dire que le bouillant économe, en proie depuis huit jours à de fortes émotions, était parti ce jour-là sur son bidet gris de fer pour aller au-devant de la famille. Il était vivement contrarié par ce retour annoncé d’abord pour le courant de l’automne, et puis décrété plus récemment pour le commencement de l’été. Il ne comprenait pas que le comte son vieux maître pût lui jouer (c’était son expression) un tour semblable. Rien n’était suffisamment préparé pour le recevoir. Le temps avait manqué ; car il n’eût pas fallu moins de six mois à M. Lerebours pour faire les choses comme il l’entendait, et il n’en avait eu que trois. Aussi était-il en proie à une noire mélancolie, tout en marchant au petit trop à la rencontre de ses maîtres. Sa main laissait flotter les rênes sur le cou de son bidet, qui baissait la tête d’un air non moins accablé que lui. — Hélas ! se disait M. Lerebours, la chapelle n’est pas réparée. Il y a plus de la moitié de l’ouvrage à faire, la maison sera pleine de poussière, M. le comte aura sa toux du matin et son humeur s’en ressentira. Le bruit des ouvriers importunera mademoiselle. Pourra-t-elle seulement travailler dans son cabinet favori ? Et si, du moins, cette maudite porte était réparée ! Mais non, rien ! pas