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DU TOUR DE FRANCE.

conscience, pour toutes les libertés publiques. Il y aurait donc inconséquence à demander une exception en ma faveur.

— J’ai eu tort sans doute de le prendre sur ce ton ; mais ce serait à recommencer que je ne serais pas plus sage. Votre nom me faisait mal dans la bouche de ces bavards grossiers.

— Eh bien, je vous absous ; mais c’est à la condition que vous allez me dire ce que je vous demandais tout à l’heure. En quoi blâmez-vous…

— Mon Dieu, je ne blâme rien ! s’écria Pierre, à qui ce jeu faisait saigner le cœur. Si vous avez le projet de vous marier avec un savant, je trouve cela tout aussi orgueilleux que de vouloir épouser un général, un duc ou un banquier.

— Ainsi vous ne seriez pas mon défenseur en pareille circonstance ? Vous m’accuseriez, au contraire ?

— Vous accuser, moi ? jamais ! Vous avez bien assez de grandes choses dans l’âme pour qu’on vous pardonnât, s’il le fallait, quelque petit travers d’esprit.

— Eh bien, j’aime votre réponse, et j’aime votre jugement sur mon Odyssée avec le professeur. Cela me paraît vu de plus haut que ne pourrait le faire aucune des personnes que je connais. Il est étrange, maître Pierre, que, n’ayant jamais vu ce qu’on appelle le monde, vous le compreniez mieux que les gens qui le composent. En vous appuyant sur la logique pure et sur la sagesse absolue, vous avec démasqué une grande erreur à laquelle se laissent prendre la plupart des hommes et des femmes de ce temps-ci.

— Puis-je vous demander laquelle ? car il paraît que j’ai fait de la prose sans le savoir.

— Eh bien, voici. Les romans sont à la mode. Les femmes du monde en lisent, et puis elles les mettent en action