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LE COMPAGNON

s’était hasardé, pour son propre compte, encouragé d’ailleurs par l’exemple de ceux qui, de bonne foi, et avec plus de désintéressement qu’il n’en avait lui-même[1], dirigeaient cette intrigue. C’est ainsi qu’il se trouvait embarqué dans ce qu’il appelait maintenant, lorsqu’il se parlait tout bas à lui-même, cette maudite galère.

« Le parti d’Orléans, dit un historien du Carbonarisme, est celui qui fit le plus de mal à l’association, surtout dans les derniers temps. Au commencement il n’est pas impossible que Louis-Philippe eût conçu quelque espérances au sujet de ces vastes préparatifs d’insurrection ; mais il dut être bientôt évident pour ce prince que ses cousins avaient encore à leur disposition trop de ressources pour être si facilement forcés, et que le Carbonarisme ne pouvait avoir d’autre effet que de les inquiéter et de les porter à la réaction. Il laissait donc conspirer pour lui, mais bien décidé à demeurer dans l’ombre, et ne jugeant pas que le temps de paraître fût venu. Les habiles politiques ne sont pas ceux qui cherchent à faire des circonstances, mais ceux qui cherchent à se faire pour les circonstances. Enfin la guerre d’Espagne vint porter le dernier coup aux associations. La révolution, comprimée momentanément en Espagne par l’acte le plus vigoureux et le plus politique que les Bourbons eussent encore accompli, s’affaissa en France en même temps. Vaincue les armes à la main là où elle avait réussi à se continuer, elle ne pouvait plus garder l’espérance de vaincre là où elle ne possédait que la ressource des assemblées secrètes et des complots. L’effet moral d’une victoire acheva ce que la discorde avait commencé, et ce que ni procès criminels ni échafauds n’auraient jamais produit. »

  1. Nous voulons parler surtout de Manuel, qui passe pour avoir dirigé dans la Charbonnerie le parti orléaniste.