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DU TOUR DE FRANCE.

— Je vous connais beaucoup, au contraire. Je n’ai pas cherché à me lier avec vous sans avoir étudié votre caractère, vos sentiments, et sans m’être fait raconter avec le plus grand détail la conduite que vous avez tenue à Blois avec vos frères les Gavots. Je sais que, dans vos assemblées, vous avez été grand orateur, grand philosophe, grand politique même ; et je pourrais vous redire, en partie, les discours que vous leur avez tenus pour les détourner du concours. Eh bien ! maître Pierre, il vous est arrivé là ce qui pourrait bien m’arriver à moi-même, si j’étais, comme vous le supposez, associé à quelque Devoir politique. Vous vous êtes trouvé seul de votre avis, seul avec votre bon sens et vos bonnes intentions, au milieu de gens estimables d’ailleurs et dignes de toute votre amitié, mais pleins d’erreurs, de préjugés et de passions contraires. Voilà ma réponse à ce que vous me disiez tout à l’heure à propos de mes prétendus complices.

— Écoutez, monsieur, dit Pierre après avoir gardé le silence un instant, ce que vous dites là peut être vrai. Mais si vous voulez que je cause avec vous, vous me parlerez sans réserve. Vous ne me supposez pas assez simple pour avoir regardé vos avances comme une affaire de pure sympathie de vous à moi. Les éloges ne m’ont jamais tourné la tête. Je ne vous demande pas le nom de vos associés ; je pense que, comme nous dans nos sociétés, vous devez être lié aux vôtres par de certaines promesses. Je veux croire que les personnes avec lesquelles vous m’avez mis en rapport sont étrangères à tout complot. Mais je veux que vous me disiez à quoi vous travaillez, vous, personnellement… Car, ou vous me prenez pour un niais qui se laissera conduire les yeux bandés (et, en ce cas, je dois vous dire que vous vous trompez), ou vous me savez incapable de faire le métier infâme de délateur, et dans ce cas vous ne devez pas me parler par