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LE COMPAGNON

ne jamais rouvrir ce passage, et, s’y élançant avec fracas, au risque de se trahir, il courut à la chambre de Joséphine pour voir si elle était rentrée. Il trouva la chambre bien rangée, le lit fait depuis la veille, et orné d’une courtepointe de dentelles que, dans sa folie, il mit en pièces. Puis il retourna dans le parc pour attendre à la grille le retour de son infidèle. Il la vit enfin arriver avec le vicomte ; et comme il ne vit pas Raoul, qui était enfoncé dans un coin de la voiture et enveloppé de son manteau, il se souvint de la manière dont il avait possédé Joséphine pour la première fois, et ne douta point que le vicomte n’eût triomphé de sa faiblesse avec aussi peu de combats. Lorsqu’il rentra au château, une heure après, il rencontra Julie, l’ex-dindonnière, qui était au moins aussi coquette que sa maîtresse, et qui faisait toujours briller pour lui ses gros yeux noirs. Il n’eut pas de peine à la faire causer ; et quand il sut que la marquise s’était enfermée dans sa chambre en refusant avec humeur le secours de la soubrette pour la déshabiller, il demanda si le vicomte n’était pas resté au château. Il avait attendu en vain dans le parc qu’il repassât, se flattant encore qu’il avait pris une autre route. — Oh ! bah ! répliqua Julie, M. le vicomte ne partira pas de sitôt. Il a demandé une chambre pour se reposer, car il paraît qu’ils ont dansé toute la nuit ; mais je suis bien sûre qu’ils danseront encore la nuit prochaine, et que tous ces beaux messieurs reviendront dîner ici. Ils sont tous amoureux de ma maîtresse, et je crois bien que le vicomte en est fou.

Amaury tourna le dos brusquement, et laissa Jolie achever seule ses commentaires. Il courut à l’atelier, et, ne pouvant rentrer dans le passage secret parce que le père Huguenin, Pierre et les autres ouvriers étaient là, il se mit à travailler à sa sculpture. Le père Huguenin était d’assez mauvaise humeur. Il trouvait que l’ouvrage n’a-