Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 2.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
DU TOUR DE FRANCE.

et belle comme un ange, qui venait trouver Pierre et se fixer près de lui. Elle crut qu’elle s’était trompée, que ce qu’elle avait pris pour de l’amour n’était que de l’amitié, et que c’était là vraiment la compagne dont il avait fait choix depuis longtemps. Elle se sentit défaillir. Mais reprenant le dessus au même instant : — Vous verrez Pierre, dit-elle à la Savinienne, et vous lui direz que je vous ai reçue de grand cœur. Il m’en saura gré.

Elle s’éloigna rapidement, donna l’ordre d’aller avertir Pierre Huguenin, et courut s’enfermer dans sa chambre, où elle resta pendant deux heures, assise devant sa table et la tête dans ses mains. À l’heure du thé, son grand-père la fit appeler. Elle rentra au salon aussi calme que s’il n’était rien survenu de grave dans ses pensées.

CHAPITRE XXXI.

Pierre accourut auprès de la Savinienne dès qu’il apprit son arrivée au château. Il se flattait d’y trouver Amaury, qui s’était échappé au beau milieu de son souper. Mais il ne l’y trouva pas, et c’est en vain qu’il l’attendit ; c’est en vain qu’il le chercha de tous côtés.

Là soirée s’écoula sans que le Corinthien parût. Pierre, dans ses prévisions sur l’arrivée de la Savinienne, s’était dit que sa première entrevue avec Amaury déciderait de leur sort mutuel, et que, d’après la froideur ou la joie de son amant, elle découvrirait la vérité ou garderait son illusion. Son embarras, à lui, était donc très-grand ; car l’absence du Corinthien pouvait avoir un motif indépendant de sa volonté, et Pierre n’avait pas le droit de faire la confession de son ami avant de lui avoir donné le temps de se justifier. D’un autre côté, la Savinienne était si calme, si pleine de foi et d’espoir, et Pierre pressentait