Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 2.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
DU TOUR DE FRANCE.

La Savinienne se leva enfin, et lui dit en lui tendant la main :

— Je vous remercie, mon cher fils, de l’empressement que vous me marquez ; mais il ne faut pas que cela vous tourmente. Je n’ai pas besoin d’aide pour le moment ; j’ai rencontré déjà ici des personnes qui s’intéressent à moi, et mon logement sera bientôt trouvé. Allez à votre ouvrage, je vous prie ; la journée est commencée, et vous savez que le devoir d’un bon compagnon est l’exactitude.

Pierre resta auprès d’elle un peu après que le Corinthien se fut retiré, s’attendant à voir l’explosion de sa douleur, mais elle demeura ferme et silencieuse, n’exprima aucun regret, aucun doute, et ne témoigna pas qu’elle eût changé de projets sur son établissement à Villepreux.

Aussitôt que Pierre se fut rendu à l’atelier, la Savinienne reprit son deuil qu’elle avait quitté en voyage, arrangea sa cornette avec soin, rangea sa chambre, prit ses enfants par la main, et les conduisit à une servante qui se chargea de les mener déjeuner ; puis elle demanda s’il lui serait possible de parler à mademoiselle de Villepreux. Au bout de quelques minutes, elle fut introduite dans l’appartement de la jeune châtelaine.

Yseult avait peu dormi. Elle venait de s’éveiller, et le premier sentiment qui lui était venu en ouvrant les yeux avait été un désenchantement cruel et une secrète confusion. Mais son parti était pris dès la veille, et lorsqu’on vint lui dire que la femme installée par elle dans la chambre des voyageurs demandait à la voir, elle résolut d’être grande et de ne rien faire à demi.

— Asseyez-vous, dit-elle à la Savinienne en lui tendant la main et en la faisant asseoir à côté de son lit. Êtes-vous reposée ? Vos enfants ont-ils bien dormi ?

— Mes enfants ont bien dormi, grâce à Dieu et à votre