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DU TOUR DE FRANCE.

prise de tabac, et en la regardant par-dessus ses lunettes.

— Mais, mon oncle, je ne connais pas d’autre porte répondit Joséphine pâlissant.

— Et celle de l’alcôve ? Est-ce que vous ne savez pas que de l’atelier on entend tout ce qui se passe ici ?

— Mon Dieu, dit Joséphine tremblante, comment cela se pourrait-il ? Il y a là, je crois, un passage sans issue.

— Vous en êtes bien sûre, Joséphine ? Voulez-vous que je demande, à cet égard, des renseignements au Corinthien ?

Joséphine se sentit défaillir ; elle tomba sur ses genoux, et regarda le vieillard avec une angoisse inexprimable, sans avoir la force de dire un mot.

— Relevez-vous, ma nièce, reprit le comte avec une douceur glaciale ; asseyez-vous, et écoutez-moi.

Joséphine obéit machinalement et resta devant lui, immobile et pâle comme une statue.

— De mon temps, ma chère enfant, dit le comte, il y avait certaines marquises qui prenaient leurs laquais pour amants. En général, c’étaient des femmes moins jeunes, moins belles et moins recherchées que vous dans le monde ; ce qui rendait peut-être cette fantaisie un peu plus explicable de leur part. C’était le temps du Parc-aux-Cerfs, après lequel on crie beaucoup aujourd’hui, et que les industriels nous jettent continuellement à la tête comme une souillure ineffaçable imprimée à la noblesse.

— Assez, mon oncle, au nom du ciel ! dit Joséphine en joignant les mains. Je comprends bien !

— Loin de moi, dit le comte, la pensée de vous humilier et de vous blesser, ma chère Joséphine. Je voulais seulement vous dire (ayez un peu de courage, je serai bref) que les mœurs de Louis XV, excusables peut-être dans leur temps, ne sont plus praticables aujourd’hui. Une femme du monde ne pourrait plus dire, au point du jour,