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PROCOPE LE GRAND.

Durant toute l’année 1432, le concile ne put s’occuper des Hussites, absorbé qu’on était par la difficulté de se constituer œcuméniquement sans le concours du pape. Le pape excommuniait et demandait grâce tour à tour, sous forme de pardon. Le concile formulait et ajournait tour à tour la déchéance du pape. Ce ne fut qu’en novembre 1433 que, grâce à l’intervention de l’empereur et à un nouveau délai de quatre-vingt-dix jours obtenu par lui pour le pape, on put s’entendre provisoirement, en attendant une nouvelle rupture. Mais, pour ne pas anticiper sur les événements, nous rétrograderons vers le commencement de 1433, époque à laquelle les députés de la Bohême arrivèrent au concile, et y jouèrent un rôle.

Ils arrivèrent à Bâle au nombre de trois cents, ayant à leur tête Procope le Grand, Jean de Rockisane, Pierre Payne, dit l’Anglais, Nicolas Biscupec, prêtre des Taborites, Ulric, prêtre des Orphelins, Kostska, guerrier célèbre par ses courses déprédatrices, etc. « Leur arrivée parut un phénomène si nouveau, que tout le peuple, dit Ænéas Sylvius, présent au spectacle, se répandit dans la ville et hors de la ville pour les voir entrer. Il se trouvait même parmi la foule plusieurs membres du concile, attirés par la réputation d’une nation si belliqueuse. Hommes, femmes, enfants, gens de tout âge et de toute condition, étaient dans les places publiques, ou aux portes et aux fenêtres, et même sur les toits pour les attendre. Les uns montraient l’un au doigt, les autres un autre. On était surpris de voir des habits étrangers et jusqu’alors inconnus, des visages terribles, et des yeux pleins de fureur. En un mot, on trouvait que la renommée n’avait point exagéré leur caractère[1]. Sur-

  1. C’était un proverbe en Allemagne que dans un seul soldat bohémien y avait cent démons.
    (Balbin.)