Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/110

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que de s’enquérir des faits concernant le marquis ; mais comment un homme aussi pieux que l’indiquait cette matinale visite d’Alvimar à l’église pouvait-il frayer avec un converti aussi douteux que Bois-Doré ?

Tandis qu’il essayait de se renseigner à cet égard auprès de la gouvernante du château, il remarqua qu’il ne pouvait pas se détourner une seule fois sans rencontrer les yeux de cet étranger fixés sur les siens.

Il fit donc quelques pas avec la Bellinde pour se mettre hors de sa vue, en homme qui ne voulait pas risquer un salut avant de savoir à qui il avait affaire.

D’Alvimar, qui comprit ou devina sa préoccupation, resta à l’attendre dans le petit cimetière qui entourait l’église, résolu, d’après l’inspection de sa physionomie, à lui adresser la parole et à se lier avec lui.

Il était là, songeant à sa destinée, problème dont il était constamment obsédé, et que la vue des tombes éparses semblait lui rendre plus irritant que de coutume.

D’Alvimar croyait à l’Église, mais il ne croyait pas au vrai Dieu. L’Église était pour lui l’institution de discipline et de terreur par excellence, l’instrument de torture dont un Dieu implacable et farouche se servait pour établir son autorité. S’il y eût bien réfléchi, il se fût volontiers persuadé que le miséricordieux Jésus était entaché d’hérésie.

L’idée de la mort lui était odieuse. Il craignait l’enfer, et, par un effet naturel des mauvaises croyances, il ne pouvait pas conformer sa vie à la rigidité de ses principes.

Il n’avait de ferveur que pour la discussion ; seul avec lui-même, il trouvait son cœur sec, son esprit tendu et troublé par l’ambition mondaine. Il se le reprochait en vain. La pensée de la damnation ne saurait être féconde, et les terreurs ne sont pas des remords.