Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/115

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— Oui-da ! Vous tenez là un grand secret !

— Très simple et très-facile. Il ne faut pas viser si haut que vous avez peut-être fait. Il ne faut pas épouser une femme du grand monde. Il faut chercher une bonne dot et une femme simple au fond d’une province. Vous m’entendez bien ? Il faut dépenser l’argent à la cour, et n’y pas mener la femme.

— Quoi ! épouser une bourgeoise ?

— Il y a des demoiselles nobles qui sont plus riches et aussi modestes, que des bourgeoises.

— Je n’en connais pas.

— Il y en a, en ce pays, sans aller bien loin !… La petite veuve de la Motte-Seuilly ?

— Elle a tout au plus de l’aisance.

— Vous jugez sur les apparences. On n’a pas ici l’habitude du luxe. Excepté ce fou de marquis, toute la noblesse sédentaire vit sans éclat ; mais il y a de l’argent. Le faux saulnage et la pillerie des couvents ont enrichi les gentilshommes. Quand vous voudrez, je vous prouverai qu’avec les revenus de madame de Beuvre, vous mèneriez un train des plus convenables à Paris. Elle est, d’ailleurs, apparentée aux premières familles de France, et toutes ne verraient pas avec déplaisir un Espagnol bien pensant dans leur alliance.

— Mais n’est-elle pas calviniste comme son père ?

— Vous la convertirez !… à moins que son calvinisme ne vous soit un prétexte tout trouvé pour la laisser vivre au fond de son petit manoir.

— Vous voyez loin, monsieur le recteur ! Mais si, un jour ou l’autre, vous déclarez la guerre à cette famille…

— Pourvu que je ne la fasse pas dépouiller de ses biens, cette guerre peut vous être utile dans l’occasion.