Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/135

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» Un jour, je me trouvai sur une grande route qui était celle de Pau, comme je l’ai su plus tard, et c’est là que le ciel me fit rencontrer une femme encore plus malheureuse que moi. C’était la mère de l’enfant que vous voyez, et qui est devenu le mien… »

— Continuez, dit le marquis.

Mais Mercédès s’arrêta encore, parut réfléchir, et dit, s’adressant à Lucilio.

— Je ne peux pas raconter l’histoire des parents de l’enfant, si ce n’est à vous seul… qui lui avez sauvé la vie, et qui me paraissez un ange sur la terre. Si l’on veut me garder ici quelques jours et que je ne voie aucun danger pour Mario, je jure que je dirai tout ; mais je crains l’Espagnol, et j’ai vu ce vieux seigneur mettre sa main dans la sienne, après l’avoir repris de sa dureté pour nous. J’ai tout compris avec mes yeux : les seigneurs sont les seigneurs, et les pauvres esclaves ne doivent pas espérer que les meilleurs mêmes prendront leur parti contre leurs égaux.

— Il n’y a pas d’égaux qui tiennent ! s’écria le marquis lorsque Lucilio lui eut traduit, par écrit, la réponse du Mercédès. Je jure, sur ma foi de chrétien et sur mon honneur de gentilhomme, de protéger le faible envers et contre tous.

La Morisque répondit qu’elle dirait la vérité, mais qu’elle cacherait certains détails inutiles.

Puis elle reprit ainsi :

— J’étais sur la route de Pau, mais au cœur des montagnes, dans un endroit fort désert. Là, comme je me reposais en me cachant, par crainte des mauvaises gens que l’on rencontre en tous pays, je vis passer un homme qui voyageait avec sa femme.

» La femme marchait un peu en avant ; des bandits