Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/155

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Le secret de l’origine de la Morisque fut gardé. Pour ne pas l’exposer à l’intolérance soupçonneuse de la Bellinde, qui faisait de grands semblants de dévotion, Adamas la fit passer pour Espagnole, purement et simplement.

Pas un mot de son histoire ne transpira, non plus que de celle de Mario.

— Monsieur le marquis, dit Adamas à son maître en le déshabillant, nous sommes des enfants et nous n’entendons rien à l’artifice de la toilette. Cette Morisque, avec qui j’ai causé de choses sérieuses à la veillée, m’en a plus appris dans une heure que tous vos accommodeurs de Paris n’en savent. Elle a les plus beaux secrets sur toutes choses, et sait extraire des plantes des sucs miraculeux.

— C’est bon, c’est bon, Adamas ! parle-moi d’autre chose. Récite-moi quelque poésie en faisant ma barbe, car je me sens triste, et je dirais volontiers comme M. d’Urfé, parlant d’Astrée, que « le rengrégement de mes ennuis trouble le repos de mon estomac et le respirer de ma vie. »

Numes célestes ! monsieur, s’écria le fidèle Adamas, qui aimait à se servir des formules de son maître, c’est donc toujours le souvenir de votre frère ?

— Hélas ! il m’est revenu aujourd’hui tout entier, je ne sais pourquoi. Il y a des jours comme cela, mon ami, où une douleur endormie se réveille. C’est comme les blessures que l’on rapporte de la guerre. Sais-tu une chose à quoi la gentillesse de cet orphelin m’a fait songer, tout ce tantôt ? C’est que je me fais vieux, mon pauvre Adamas !

— Monsieur plaisante !

— Non, nous nous faisons vieux, mon ami, et mon