Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/167

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belle figure du sourdelinier l’intention naïve de lui être agréable.

— Je ne sais pourquoi, pensa-t-elle, il y a sur cette figure-là comme un rayonnement d’affection vraie et de conscience saine que je ne trouve pas sur celle de l’autre.

Et elle regardait encore d’Alvimar, maintenant tout contrarié, boudeur, hautain, et elle se sentait comme un froid de peur, soit de lui, soit d’elle-même.

Soit, encore, qu’elle fût très-sensible à la musique, soit que son esprit fût disposé à une certaine exaltation, elle se figura entendre dans sa tête les paroles des beaux airs que lui jouait Lucilio, et ces paroles imaginaires lui disaient :

« Vois le clair soleil qui brille dans le ciel doux, et les vives eaux qui reçoivent ses feux sur leurs facettes changeantes !

» Vois les beaux arbres courbés en noirs berceaux sur le fond d’or pâle des prairies, et les prairies elles-mêmes, redevenues riantes comme au printemps, sous la broderie des fleurs roses de l’automne ; et le cygne gracieux qui semble voguer en mesure à tes pieds, et les oiseaux voyageurs qui traversent là-bas les nuages diaprés.

» Tout cela, c’est la musique que je te chante : c’est la jeunesse, la pureté, la foi, l’amitié, le bonheur.

» N’écoute pas la voix étrangère que tu ne comprends pas. Elle est douce, mais trompeuse. Elle éteindrait le soleil sur ta tête, elle dessécherait l’eau sous tes pieds ; flétrirait les fleurs dans les prés et briserait l’aile des oiseaux dans le nuage ; elle ferait descendre autour de toi l’ombre, le froid, la peur, la mort, et tarirait à jamais la source des divines harmonies que je te chante. »