Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/182

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bonne mine, nonobstant une physionomie un peu subalterne ; mais, devant un mérite comme celui de la dame que je vois (on n’estropie pas une déesse pour la regarder), et devant une réunion de seigneurs qui ressemblent plus à une assemblée de monarques qu’à une charretée de veaux en foire, le plus vaillant homme du monde perd la tramontane et n’est plus qu’un égout d’ignorance, une sentine de stupidités et le bassin de toutes les impertinences…

Maître La Flèche eût pu parier deux heures sur ce ton, avec une volubilité insupportable, si on ne l’eût interrompu pour lui demander ce qu’il savait faire.

— Tout ! s’écria le vaurien. Je puis danser sur les pieds, sur les mains, sur la tête et sur le dos ; sur une corde, sur un balai, sur la pointe d’un clocher comme sur celle d’une lance ; sur des œufs, sur des bouteilles, sur un cheval au galop, sur un cerceau, sur un tonneau, voire sur l’eau courante, mais ceci à la condition qu’une personne de la société voudra bien me faire vis-à vis sur l’eau dormante. Je puis chanter et rimer en trente-sept langues et demie, pourvu qu’une personne de la société me voudra bien répondre, sans faire une faute, dans trente-sept langues et demie. Je puis manger des rats, du chanvre, des épées, du feu…

— Assez, assez, dit de Beuvre impatienté ; nous connaissons ton chapelet : c’est le même pour tous les hâbleurs tels que toi. Vous prétendez savoir toutes choses, et vous n’en savez qu’une, qui est de dire la bonne aventure.

— À dire le vrai, répondit La Flèche, c’est en cela que j’excelle, et, si Vos rayonnantes Altesses veulent s’inscrire, je vais tirer au sort pour savoir par qui commencer ; car le destin est un esprit bourru qui ne connaît ni le sexe ni le rang des personnes.