Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/186

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Beuvre, qui ne croyait précisément à rien. Vous êtes une fière pratique pour tous les bateleurs qui voudront vous en conter !

— Comme vous voudrez, répliqua Bois-Doré, mais je n’y peux rien. J’ai vu des choses si surprenantes ! Dix fois ce qui m’a été prédit m’est arrivé.

— Comment voulez-vous, lui dit d’Alvimar, qu’un idiot et un ignorant de cette espèce pénètre l’avenir, dont Dieu seul a le secret ?

— Je ne crois pas à la science de l’opérateur, répondit le marquis, si ce n’est que, par état, il sait calculer des nombres, et que ces nombres sont pour lui comme les lettres d’un livre, avec lesquelles la propre fatalité des nombres compose des mots et des phrases.

De Beuvre se moqua du marquis et somma le devin de tout dire.

D’Alvimar eût souhaité qu’il en fût autrement, car son incrédulité était feinte ; il croyait à l’action du diable dans tout ce qui est maléfice, et il se promettait de recommander La Flèche à M. Poulain, pour qu’il avisât à le faire coffrer et brûler dans l’occasion. Mais il n’en était pas moins dévoré, malgré lui, de l’anxiété d’ouvrir le livre de sa destinée, et il se trouvait d’ailleurs entraîné à faire l’esprit fort devant madame de Beuvre.

La Flèche, sommé de parler, vu qu’il avait assez étudié son grimoire, réfléchit en lui-même sérieusement. Il se méfiait de l’Espagnol. Il savait qu’il ne risquait rien avec les gens qui ne croyaient à rien, ce ne sont pas ceux-là qui dénoncent ou accusent les sorciers, et il était trop pénétrant pour ne pas avoir compris qu’en essayant de retirer son gage, d’Alvimar avait voulu se soustraire à ces révélations qu’il feignait de mépriser.

Il prit le parti dans lequel il se retranchait quand il