Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/274

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muet ; la bouche ouverte, les yeux hors de la tête, il ne sentait pas la sueur et les larmes qui coulaient sur sa figure attendrissante et burlesque.

Guillaume s’était battu les flancs, lui aussi, pour se persuader que rien de funeste ne devait résulter de cette étrange affaire. Mais, quand les armes furent engagées, il sentit tomber sa confiance, et se reprocha de n’avoir pas réussi à empêcher, à quelque prix que ce fût, une rencontre qui, dès le début, menaçait de devenir sérieuse.

D’Alvimar avait promis de se rendre maître de la vie de son adversaire et de lui faire grâce ; mais, autant que la clarté de la lune pouvait faire distinguer l’expression de ses traits, il semblait à Guillaume que la colère et la haine s’y montraient avec une énergie croissante, et son jeu sec et serré n’annonçait pas la moindre intention prudente ou généreuse. Heureusement, le marquis était encore calme et tenait pied avec plus de vigueur et de souplesse qu’on n’en eût attendu de sa part.

Guillaume ne pouvait rien dire, et il se contenta de tousser deux ou trois fois pour avertir d’Alvimar de se modérer, sans éveiller la susceptibilité du marquis, lequel eût pu perdre la tête, s’il eût craint de n’être pas pris au sérieux.

Mais le combat était sérieux. D’Alvimar sentait qu’il avait un adversaire moins fort que lui en théorie ; mais il se sentait troublé et préoccupé, et inférieur à lui-même, cette fois, dans la pratique. Sa partie était difficile à jouer. Il voulait tuer le marquis et paraître le tuer malgré lui.

Il cherchait donc à le faire enferrer en jouant à la défensive ; et le marquis semblait s’apercevoir de sa ruse. Il se ménageait.