Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/300

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pris la peine d’être époux. D’ailleurs, je vois bien aussi qu’il a en la tête de lui léguer ses biens, sans égard pour ses enfants à venir ; c’est ce que je ne souffrirai point et ce que vous devez empêcher, en le sommant de la foi qu’il vous a jurée.

M. de Beuvre parlait si sérieusement qu’un instant le marquis y fut pris.

— Il faut croire, pensa-t-il, que ma fortune me rajeunit beaucoup, et que mon voisin, qui me raillait tant, ne me trouve plus si vieux. Où diable Adamas a-t-il pris l’idée de me faire faire cette démarche ?

Lauriane vit ses perplexités sur sa figure, et vint généreusement à son secours.

— Monsieur mon père, dit-elle, ceci ne vous regarde point, vu que notre marquis ne m’a point demandé ma main sans mon cœur ; or, tant que mon cœur ne m’a point parlé, le marquis est libre.

— Ta, ta, ta ! s’écria de Beuvre, votre cœur vous parle très-haut, ma fille, et il est aisé de voir, à votre indulgence pour le marquis, que c’est de lui qu’il vous parle !

— Serait-il vrai ? dit Bois-Doré ébranlé ; si j’avais ce bonheur, il n’y a neveu qui tienne, et, par ma foi !…

— Non, marquis, non ! dit Lauriane décidée à en finir avec les rêveries de son vieux Céladon. Mon cœur parle, il est vrai, mais depuis un instant seulement : depuis que j’ai vu votre gentil neveu. La destinée le voulait ainsi, à cause de la grande amitié que j’ai pour vous, laquelle ne pouvait me permettre d’avoir des yeux que pour quelqu’un de votre famille et de votre ressemblance. Donc : c’est moi qui brise nos liens et me déclare infidèle ; mais je le fais sans remords, puisque celui que je vous préfère vous est aussi cher qu’à moi-même. Ne parlons