Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/307

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— Non, non ! Votre recteur semble avoir des soupçons. Mon d’Alvimar faisait fort le dévot. La soutane serait pour lui, et c’est jouer trop gros jeu dans le pays où nous sommes. Taisons-nous encore jusqu’à ce que la manière dont votre frère a été lâchement occis soit bien répandue, et montrez-en la preuve à tout le monde sans nommer les coupables. Quand vous les nommerez, on sera tout disposé à les condamner. Mais, dites-moi, marquis, savez-vous si le corps de ce malheureux ?…

— Oui, Aristandre s’en est enquis. Le frère oblat a fait son office.

— Mais comprenez-vous quelque chose à ce d’Alvimar, mon cousin ? Un homme si bien né, et qui montrait de si bonnes manières !

— L’ambition de cour et la misère d’Espagne ! répondit Bois-Doré. Et puis, tenez, mon cousin, il m’est venu souvent en la pensée un paradoxe philosophique : c’est que nous sommes tous égaux devant Dieu, et qu’il ne fait pas plus de cas de l’âme d’un noble que de celle d’un vilain. Voilà le point où le populaire calviniste ne se trompe peut-être point trop ?

— Eh ! eh ! reprit Guillaume, à propos de calvinistes, mon cousin, savez-vous que les affaires du roi vont mal, là-bas, et que l’on ne prend pas du tout Montauban ? J’ai su à Bourges, de gens bien informés, qu’au premier jour on lèverait le siége, et ceci pourrait bien changer encore une fois toute la politique. Tenez, vous vous êtes peut-être un peu trop pressé d’abjurer, vous !

— Abjurer, abjurer, dit Bois-Doré en hochant la tête. Je n’ai jamais rien abjuré, moi ! Je réfléchis, je discute avec moi-même, et, selon qu’il me vient de bonnes raisons, j’admets une forme ou l’autre. Au fond…