Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— À quoi songez-vous ? lui demanda-t-il avec une familiarité peut-être un peu trop tendre.

Lauriane parut étonnée de cette question indiscrète.

Elle le regarda droit au visage, d’un air qui semblait dire : « Qu’est-ce que cela vous fait ? » Mais, sans s’armer, en paroles, d’aucune dureté inutile, elle lui dit en souriant :

— Je ne pensais à rien.

— C’est impossible, reprit d’Alvimar ; on pense toujours à quelque chose ou à quelqu’un.

— On pense vaguement, si vaguement, qu’en une minute on ne s’en souvient plus.

Lauriane ne disait pas la vérité. Elle avait pensé à Charlotte d’Albret, et nous traduirons tout ce qui s’était passé dans sa courte rêverie.

Cette pauvre princesse lui était comme apparue pour lui faire la réponse que sollicitait d’Alvimar, et cette réponse, la voici : « Une jeune fille qui n’a point aimé accepte quelquefois, à la légère, l’amour qui se présente, parce qu’elle se sent impatiente d’aimer, et quelquefois elle tombe dans les bras d’un scélérat qui la torture, la flétrit et l’abandonne. »

D’Alvimar était loin de deviner le bizarre avertissement que venait de recevoir cette jeune âme ; il crut à un peu de coquetterie, et le jeu lui plut, bien qu’il eût l’âme aussi froide qu’un marbre.

Il insista.

— Vous avez, je gage, songé, dit-il, à un amour plus vrai que celui dont M. de Bois-Doré vous donne la comédie, à un amour tel que vous pourriez, sinon le ressentir, du moins l’inspirer à un galant homme ?

À peine eut-il prononcé ces paroles de provocation banale, mais d’un ton qu’il sut rendre ému et qu’il crut