Page:Sand - Les Dames vertes, 1879.djvu/76

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d’un digne gentilhomme, de sa femme et de ses deux enfants. La perte du procès les jetait dans la misère ; mais mon père préférait naturellement se dévouer à l’avenir de sa cliente et la préserver d’un désastre. Là était pour lui le véritable cas de conscience ; mais il m’avait recommandé de ne pas faire valoir cette considération auprès d’elle. « C’est une âme romanesque et sublime, m’avait-il dit, et plus on lui alléguera son intérêt personnel, plus elle s’exaltera dans la joie de son sacrifice ; mais l’âge viendra, et l’enthousiasme passera. Alors, gare aux regrets ! et gare aussi aux reproches qu’elle serait en droit de nous faire pour ne pas l’avoir sagement conseillée ! »

Mon père ne me savait pas aussi enthousiaste que je l’étais moi-même. Retenu par des affaires nombreuses, il m’avait confié le soin de calmer l’élan généreux de cette adorable femme, en nous abritant derrière de prétendus scrupules