Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/129

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— Quand j’ai accepté avec joie d’être sa femme, avait-elle dit, je croyais épouser mon pareil. Il était un peu plus riche que moi, mais il n’avait pas de famille, et mon père, qui est fier, pensait lui faire honneur en lui donnant son nom. Moi, j’étais fière d’une chose, c’était de ne pas regarder à tout cela, et de l’aimer pour ce qu’il est et non pour ce qu’il doit paraître aux autres ; mais à présent j’ai peur d’être trop peu pour lui, et qu’il ne soit blâmé pour épouser une paysanne, lui qui peut être un seigneur. Qui sait s’il ne s’en repentirait pas un jour ? Je veux qu’il attende au moins un an, qu’il sorte un peu du pays, qu’il connaisse le plaisir d’être riche, et, s’il revient avec le même attachement pour moi, je jure d’être sa femme. Jusque-là, je prends tout sur moi. Je cache la vérité à mon père, qui pourrait bien ne pas comprendre mon idée et m’en blâmer. Je lui dis que je me trouve trop jeune, et que j’exige un an de fiançailles, ou bien que M. Alphonse trouve Espérance trop jeune et veut le conduire à Paris pour achever de l’instruire. Un homme de campagne qui a vu Paris passe pour plus savant qu’un autre et pour mieux conduire ses affaires. Mon père se rendra à cette raison, et Espérance doit s’y rendre, car elle est bonne, et M. Alphonse l’admet aussi.

En me rapportant les paroles de ma filleule, la comtesse me dit qu’elle avait vu le marquis, et qu’à eux deux ils avaient admiré et approuvé le