Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/131

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amoureux. Je dois dire qu’ils étaient adorables de soins et admirables de convenance et de retenue. J’en fus touché profondément, et j’avouai à madame en la quittant qu’elle était une heureuse mère.

Madame n’ayant fait aucune sieste, avait réellement grand besoin de repos, et nous la quittâmes à huit heures. Il fut décidé que Charlotte coucherait auprès d’elle, et, par un sentiment de chaste délicatesse, Espérance quitta son appartement du donjon pour venir coucher à la ferme. Il me suivit à ma chambre pour m’aider à m’installer, et me témoigna la même obligeance, la même cordialité qu’avant le regard terrifiant qu’il m’avait lancé auprès de la calèche de sa mère.

Comme il me voyait au courant de bien des choses, sinon de tout, je pensais qu’il me parlerait à cœur ouvert ; mais il n’en fut rien. Il resta dans son rôle avec son accent montagnard, appelant sa mère notre dame quand il parlait d’elle, et Roger monsieur le comte. Je n’osais pas le questionner. J’avoue que je sentais dans cet enfant-là une supériorité de caractère à tout déjouer, et que personne ne m’a intimidé autant que lui. Nous allions nous séparer sur les neuf heures, après avoir causé agriculture et fermage, matières où il me sembla plus compétent et plus sensé que Michelin lui-même, lorsqu’un coup frappé brusquement au contrevent me fit tressaillir : c’était la main de Roger, je la connaissais si bien !