Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/134

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maison me propose une partie d’échecs. C’était bien la peine de quitter Ferras, qui joue bien, pour jouer avec M. Léville, qui joue plus mal que moi. Madame et ses filles s’intéressent à la partie et viennent se grouper autour de la table au moment où j’allais gagner. Me voilà de nouveau pétrifié. Je suis échec et mat. Le papa triomphe. Les dames prétendent qu’il est très-fort et que personne ne peut le gagner. Les fils ronflent sur le sofa. Le curé arrive. Il est encore plus laid que ses paroissiennes, et il bredouille de telle façon que je n’entends pas un mot de ce qu’il me dit et lui réponds tout de travers. Je m’aperçois que l’on me prend pour un petit âne, et je sors ; puis, au moment de souhaiter le bonsoir et comme on voulait s’entendre avec moi sur l’heure de la chasse d’aujourd’hui, je déclare que j’ai reçu de ma mère un billet qui m’appelle à Flamarande. Je promets de chasser avec ces messieurs le matin, mais j’annonce que je ne rentrerai pas à Léville le soir. Ce matin, je me mets en chasse. Ces gens chassent mal ou c’est moi qui ne sais pas la chasse de montagne. On ne tue rien, je ne tue rien. Le soleil baisse, je me vois sur le bord de la Jordanne. Je confie mon fusil et mon chien à l’un des rabatteurs, je lui dis que le temps presse et que je le prie de présenter mes compliments à ses maîtres. Et là-dessus je file le long du torrent, comme si j’étais poursuivi par les trois monstres ci-dessus dépeints. Je ne savais