Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/142

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— Et vous, répondis-je avec la même énergie, pouvez-vous jurer sur l’honneur que vous céderiez sans regret, à l’instant même, votre titre de comte et vos immenses droits de fils unique à Gaston ressuscité ? Supposez tout ce qu’il vous plaira. Trompez-vous ou soyez dans le vrai, peu importe. Vous voilà en présence d’un fait romanesque qui peut vous coûter la moitié de votre fortune et la moitié du cœur de votre mère.

— Je le sais parbleu bien ! répondit-il en frappant du poing sur la table. Le partage de la tendresse maternelle ! c’est déjà fait. Va ! tu n’as donc pas vu et entendu ce qui s’est passé dans la chapelle ? Je la tenais dans mes bras et elle ne voyait que lui ; elle criait : « Mon fils, mon enfant ! » Donc, elle sait que nous sommes deux, et il faut bien que je me résigne à n’être plus le seul !

Tandis qu’il parlait ainsi, ses yeux s’étaient remplis de larmes. Je vis que j’avais touché l’endroit sensible. Je n’espérais pas le convaincre en quelques minutes, puisque Espérance allait revenir ; mais je pouvais modérer l’élan du premier mouvement.

— Eh bien, songez à cela, lui dis-je, songez à l’effroyable douleur que vous causeriez à madame votre mère, si, comme il est probable, vous étiez la proie d’une illusion que vous lui feriez partager. Le réveil serait affreux pour elle et ridicule pour vous ; c’est pour le coup qu’on aurait le droit