Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/155

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autour de moi ne l’ait prévu ; mais, avant de vous parler de M. Ferras, je dois vous raconter l’histoire de mes parents. Mon père, vous savez tous qu’au milieu de ses grandes qualités d’intelligence et de caractère, il avait une maladie… oui, une maladie d’esprit provenant d’un mal chronique du foie. J’ai consulté sans le nommer des médecins sérieux qui m’ont tous dit qu’une maladie de l’esprit pouvait provenir d’une maladie toute physique, et que l’hépatite particulièrement engendrait fréquemment des idées bizarres, des sentiments hostiles à telle ou telle personne, ou même à toute une classe de personnes. Eh bien, mon père ne pouvait souffrir les enfants, et son premier-né vint au monde lorsqu’il était en proie à une forte crise de son mal. Il le fit inscrire au registre de l’état civil sous le nom de Gaston de Flamarande, le fit apporter dans sa chambre et lui dit des paroles qui ne m’ont pas été rapportées, mais qui révélaient un véritable accès de démence. Je dis cela,… oui, je le dis pour vous montrer qu’il n’était pas maître de sa volonté ; après quoi, il fit disparaître l’enfant en le confiant à M. Charles Louvier que voici, qui l’enleva la nuit à l’aide d’un cheval de voiture d’une vitesse et d’une force exceptionnelles. M. Charles fit cette action avec des intentions excellentes, je dois le dire. Il craignait pour l’enfant, car il avait bien vu le délire de son maître, et il prit grand soin du pauvre bébé, qui fut conduit