Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/157

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été malade, en danger de mort en perdant Gaston. Il a bien fallu la laisser me nourrir elle-même et me garder à vue. Nous étions en Italie, mon père se portait bien. Il me voyait sans aversion et même avec toute la tendresse qu’un enfant pouvait lui inspirer ; mais plus tard il s’éloigna de nous, alla vivre à l’étranger et ne me témoigna qu’une extrême froideur pour ne rien dire de plus. Je ne rappelle pas cela pour me plaindre de lui, mais pour expliquer sa conduite envers Gaston, qu’il n’a jamais songé à rappeler près de lui et dont il ne s’est pas souvenu à son heure dernière, puisqu’il n’a pris aucune disposition, ni en sa faveur, ni à son détriment. Il n’a pas fait de testament du tout, d’où je conclus qu’il a laissé les choses à la garde de Dieu, satisfait d’avoir éloigné de lui son fils aîné, de s’être éloigné lui-même de son second fils et d’avoir résolu ainsi le problème, étant père de famille, de vivre sans enfants. Plaignons-le, Gaston, je doute qu’il ait été heureux. S’il n’a pas connu les agitations et les déchirements de notre mère, il n’a pas non plus connu ses joies. À présent, il s’agit de la rendre heureuse et de lui faire oublier le passé. Tu vois bien que tu ne peux te soustraire à ce devoir-là, et que tu avais tort de tant redouter la vérité. Charles,… mon vieux Charles, qui m’a mis en colère tout à l’heure et à qui je demande pardon de ma brutalité, est un digne homme que je chéris ; mais il est un vieux