Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/168

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— C’est impossible ! Pourquoi cette absurde supposition ?

— Que penserez-vous si elle se trouve fondée ? Ne dites pas à madame que vous avez instruit Espérance, vous verrez qu’elle vous défendra de l’instruire.

Roger me regarda fixement et se remit à marcher avec agitation. Il ne voulait plus m’interroger, il s’interrogeait lui-même.

— J’y suis, dit-il en s’arrêtant ; ma mère a les mêmes scrupules que toi, et sa générosité admirable les exagère encore. Elle ne veut pas qu’on blâme mon père, et elle ne voudrait pas que l’on avouât la part de folie qui l’a fait agir. Il n’y a pourtant pas moyen de nier cela, à moins…

— À moins,… répliquai-je avec plus de conviction que de prudence, à moins de mettre l’exil de Gaston sur le compte d’un soupçon,… d’une jalousie… injuste à coup sûr ! ajoutai-je en voyant pâlir les lèvres de Roger, tandis que ses sourcils se cerclaient d’un ton rouge vif, ce qui, chez les hommes blonds, est l’indice d’une violente colère.

Pourtant il ne dit rien et parut vouloir me laisser le temps d’émettre toute ma pensée. Je continuai :

— La jalousie rend toujours injuste, c’est une passion et non une maladie ; mais pourquoi voulez-vous absolument que l’on proclame sur les toits