Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/178

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battre plus ou moins quelque mauvais sentiment.

— Vous appelleriez un mauvais sentiment de douter… malgré lui…

— De l’honneur de sa mère ? reprit vivement Salcède. Certes ce serait un conseil du démon.

— Pourtant, m’écriai-je avec une insurmontable indignation, vous aviez prévu ce mauvais sentiment comme une chose toute naturelle et presque inévitable, quand vous avez arraché à madame la promesse de se taire. Madame de Montesparre en a jugé ainsi, et moi, je vous ai cru tous les trois ! Je n’aurais jamais avoué à Roger les droits légaux de Gaston, qui ne peuvent s’établir que par un mensonge à Dieu et aux hommes.

J’étais fort animé ; c’était mon devoir de repousser toutes les équivoques et de frapper un grand coup pour arriver vite au fait. M. de Salcède se leva et me regarda avec une fixité effrayante. Cet homme, que j’avais connu si timide et que je croyais si timoré, était donc capable, lui aussi, de soutenir le mensonge.

Il me fit peur, car je vis que Roger était perdu, et que sa dernière garantie, l’honneur de Salcède, lui faisait défaut. Je le regardais d’un air de reproche, soutenant la menace de son regard. Il resta debout, sourit dédaigneusement et me dit :

— Je ne croyais pas, monsieur Charles, que vous eussiez jamais révoqué en doute l’honneur