Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/180

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fant qui n’a point osé crier et qui n’a pas su se défendre… Oui, cela vaudrait mieux pour elle que de laisser croire à une complicité quelconque de sa part ! Pour moi, cette hypothèse, que j’ai présentée plus d’une fois à M. le comte, était la plus vraisemblable ; on n’est pas corrompue à seize ans. On ne trompe pas son mari après quelques mois de mariage, surtout quand ce mari vous a épousée par amour, qu’il est honorable aux yeux de tous et aussi beau que d’autres. Avouez donc… Mais non, vous n’avouerez rien, vous sacrifierez Roger, vous y êtes décidé !… Eh bien, moi, je vous déclare que, dût-il me tuer, Roger saura la vérité. Je ne la lui aurais jamais dite, je comptais sur votre loyauté. Vous l’abandonnez. Je ne l’abandonnerai pas, moi, son vieux serviteur, le seul ami qui lui reste. Je lui inspirerai la fermeté qu’il doit avoir… Non,… pas cela, je ne ferai pas cela, j’irai trouver sa mère, j’y vais ! Je connais le chemin de son appartement ; je lui dirai que je sais tout, que j’ai des preuves ; elle n’osera les nier, elle se laissera soupçonner par ses deux fils, s’il le faut, mais elle ne consommera pas cette chose inique de partager l’héritage de son mari entre l’enfant légitime et celui qui ne l’est pas.

M. de Salcède m’avait saisi le bras droit et le tenait fortement, les yeux dans les miens, mais sans m’interrompre. Quand je voulus me retirer pour aller trouver madame, comme j’y étais résolu, il