Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/187

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la baronne conseillant à madame de ne pas venir, madame avait répondu à Hélène. Madame de Montesparre, qui transmettait tout à Salcède, lui avait envoyé ou remis cette réponse, et l’amant, toujours passionné, toujours romanesque, avait pris pour devise, pour règle de conduite, pour consolation suprême, cette prière adressée à la baronne et dont il s’était fait l’application à lui-même : Veille sur notre enfant !

Comment cette lettre avait-elle échappé à mon attention lorsque j’avais dépouillé le dossier ? Si elle avait passé par mes mains, comment n’avais-je pas été frappé de la coupure faite avec soin de la dernière ligne et de la signature ? C’est que j’avais fait cet examen sous le coup d’une émotion bien fondée et d’une grande fatigue physique ; c’est que, peut-être, au moment où je tenais cette lettre, quelque bruit au dehors et la crainte d’être surpris avaient fait défaillir mon attention.

Je restai interdit, et ne sachant plus où j’en étais de l’existence. Mon esprit se reportait à la terrible veillée du 27 mai 1850. Je ne voyais plus M. de Salcède, je me croyais seul. Le vent de la nuit semblait me jeter des rires moqueurs en vibrant sur les vitres et me dire : « Imbécile, tu t’es cru très-fort, tu n’es qu’un sot ! »

M. de Salcède m’examinait, il lisait dans ma pensée. Il me tira de ma torpeur en me reprenant la lettre à Hélène, qu’il replaça dans le dossier en