Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à vos affaires de famille et qui vous a sottement troublé l’esprit avec des chimères.

Plongé dans mes réflexions, je repris peu à peu possession de moi-même après vingt-quatre heures d’exaltation ou d’abattement. La nuit était claire, et tout était repos et sérénité dans la campagne et dans le manoir. Le bruit continu du torrent ne troublait pas le silence ; l’oreille s’y habituait si bien qu’elle se fût étonnée et comme alarmée s’il eût brusquement cessé. Je pensai à madame de Flamarande dormant paisible, avec la douce Charlotte à trois pas d’elle, et s’éveillant aux lueurs du soleil pour apprendre de la bouche de Roger que son innocence était reconnue, et que ses deux fils lui étaient rendus pour toujours. Et puis je me figurai la joie de Salcède un peu plus tard, car rien ne s’opposait plus à l’union de deux êtres qui s’étaient toujours si saintement aimés. Sans aucun doute, le marquis, n’ayant plus à dédommager Gaston, laisserait sa grande fortune aux deux frères et les en ferait profiter de son vivant, lui qui avait l’habitude d’une vie si modeste et si retirée.

— Je me suis mal conduit, pensais-je, mais enfin tout cela est mon ouvrage. Sans mon caractère méfiant et mes erreurs d’appréciation, tout eût pu tourner autrement et aboutir à un moins bon résultat. En somme, j’ai bien fait de garder la déclaration de M. de Flamarande jusqu’au jour où elle répond pleinement aux besoins de la