Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/252

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capable pour Gaston d’accepter le séjour des neiges, je ne dois pas quitter Roger, qui ne saura pas vivre sans moi et qui fera des folies, si je l’abandonne à lui-même. Enfin, chère amie, ne vous y trompez pas. Si Gaston est, comme je le crois, tout porté à accepter avec joie le mariage de Salcède avec moi, il est très-facile de voir que Roger en souffrirait mortellement. Roger est jaloux de ma tendresse, il lui a fallu un grand effort pour consentir à la partager avec son frère ; mais, s’il fallait la partager encore avec un époux et avec… songez que je suis encore assez jeune pour avoir d’autres enfants ! Non, non, jamais ! Ne parlez jamais à Roger de votre projet. Y fût-il favorable, je le repousserais. Je connais trop mon Roger pour l’exposer encore à des combats comme ceux qu’il vient de supporter. Il n’en triompherait qu’au prix de souffrances qui feraient de mon avenir un enfer pire que mon passé.

— Dans tout cela, reprit la baronne, vous raisonnez au point de vue de votre propre sécurité, et vous comptez pour rien la passion si fidèle et si généreuse du pauvre Alphonse.

— Si cette passion a existé, répondit la comtesse, le temps, la raison et l’étude en ont triomphé. Salcède n’est plus un enfant.

— Le voici ! s’écria la baronne. Interrogez-le, et vous verrez s’il est guéri. Peut-être n’osera-t-il point parler, il est resté timide avec vous comme à