Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/262

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vous avez pensé que M. de Salcède, étant le plus désintéressé dans l’affaire, devait seul recevoir un dépôt aussi précieux. Quant à moi, vous avez craint à Ménouville de me donner des espérances que mon mari ne réaliserait pas. Vous êtes scrupuleux à l’excès et peut-être un peu formaliste ; mais, quel qu’ait été votre motif, Charles, il n’a pu être que très-bon, et je ne comprends pas que vous nous quittiez quand nous sommes si heureux relativement au passé et si reconnaissants envers vous.

— Heureux ! et pourtant madame pleure encore.

— Ce n’est rien, Charles, absolument rien ! On peut subir des crises intérieures d’une certaine intensité qui se dissipent et s’effacent devant la joie de la conscience. Je vous jure que Roger n’a pas cessé d’être adorable pour son frère et pour moi. Vous allez les voir ensemble, et justement voici la cloche du dîner. Donnez-moi votre bras, mon ami. Je suis un peu brisée par cette migraine. Vous allez dîner avec nous, et Roger vous fera renoncer à l’idée de nous quitter.

J’étais tellement brisé moi-même que je ne sus pas résister à la touchante bonté de ma pauvre maîtresse, et je l’accompagnai au château, où tout le monde me fit bon accueil, sauf Roger, qui me tendit pourtant la main, mais d’un air préoccupé et sans me questionner sur les motifs de ma disparition.