Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/35

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Une autre chose plus simple encore, c’était que Michelin attribuât par contrat de mariage son glorieux nom à l’enfant qu’il avait élevé. Pour l’y décider, M. de Flamarande pouvait bien faire un petit sacrifice. Une dot de quarante ou cinquante mille francs serait pour Espérance une fortune devant laquelle tout scrupule s’évanouirait. Je pouvais faire parvenir ce don anonyme à l’insu de tous. Peut-être alors M. de Salcède se déclarerait-il le père réel ou adoptif, soit pour empêcher le mariage, soit pour le consacrer.

Dès que ce dessein fut conçu, il me passionna et me fit recouvrer mon ancienne activité. Peut-être que, comme on me l’a reproché plus tard, je cédais à un besoin d’intrigue qui était en moi une fatalité et me faisait dépérir dans l’inaction de la vie passive. Quant à moi, je pensais fermement servir Roger et agir providentiellement sur les destinées de la famille.

Il me fallait l’assentiment de M. de Flamarande, et il n’y avait pas de temps à perdre, car la comtesse, profitant de l’absence de Roger, se disposait à partir pour Montesparre. Je la priai de différer de quelques jours et prétendis que j’allais faire une dernière tentative auprès de son mari. Cette offre répondait tellement à son désir, qu’elle m’en témoigna sa reconnaissance et pressa mon départ pour Londres. Là m’attendait la rencontre d’un événement qui devait tout remettre en question.