Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/77

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placer au besoin. Je cherchai des yeux M. de Salcède : il était auprès de la tombe du berger Gaston, confondu dans la foule, avec Ambroise. Espérance était plus près de nous, afin d’être plus près de Charlotte ; autour du cercueil, une demi-douzaine de vigoureux montagnards s’étaient offerts pour le descendre dans le caveau où reposaient les vieux Flamarande.

Madame la comtesse, vêtue de l’étamine des veuves, avait sur la tête un long et épais voile de crêpe noir qui ne permettait pas de soupçonner son visage. Elle était immobile comme une statue agenouillée, les regards la cherchaient en vain. Sous ces draperies, nul ne pouvait se faire une idée de son âge, de sa taille ou de ses traits. Je fus satisfait du soin qu’elle avait pris de n’être pas reconnue de Gaston ; l’incognito était irréprochable, absolu. Elle tenait ses promesses ; Gaston, très-convenablement recueilli et indifférent à tout ce qui n’était pas sa fiancée, ne levait seulement pas la tête pour regarder les dames de la tribune.

Mais la destinée ! On me trouvera peut-être fataliste ; comment ne le serais-je pas un peu, moi qui ai toujours été vaincu dans ma lutte contre elle ? Tout marchait bien, lorsque le moment vint de descendre le cercueil dans le caveau. Je vis tout de suite que les porteurs n’étaient pas en nombre suffisant. Il en eût fallu dix, ils n’étaient que sept. Je le dis assez haut pour être entendu d’Ambroise,