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BLANCHON.

Je la ferai ben tout seul et aussi honnêtement qu’un autre. Mamselle Gervaise, me v’là pour vous demander pardon et rémission de mes torts. J’ai rien à dire pour vous les faire paraître petits, car c’est pas l’amour pour vous, c’est l’amitié que j’avais pour un ingrat, qui m’a porté à vous mentir. Et, quand je dis que c’est pas l’amour, faut pas croire que je vous trouve incapable d’en donner, car, si j’avais pas le cœur entortillé d’un regret que je peux pas dire, j’aurais peut-être bien tourné comme une héliotrope aux rayons de votre soleil ; mais, puisque la chose s’est arrangée de manière qu’il faut que ça soit vous mon soleil, et moi votre héliotrope, je suis pas un homme à vous offenser et à vouloir faire votre malheur. Du mieux que je pourrai… je vous ferai respecter de tout un chacun et de moi-même, et, si vous me jurez de retirer votre sentiment à qui le méprise pour en faire cadeau à qui vous estime… vous pouvez compter que, de ma part, j’arracherai, si je peux, le mien de ma tête et que j’en ferai le sacrifice à vos mérites. (Il se retourne pour essuyer ses yeux.)

PIOTTON.

Voilà qui est parlé supérieurement, et je n’aurais pas mieux trouvé, ma parole d’honneur !

GERVAISE, stupéfaite.

Autant que je peux vous entendre, monsieur Blanchon, vous me demandez en mariage ?

MARIETTE, cachant sa figure dans le sein de Jeanne.

Ah ! marraine ! (Jeanne l’emmène dans l’enclos.)

JEAN.

Allons, Gervaise, faut répondre !

GERMINET, à Gervaise.

Je te défends de répondre ! tu peux pas encore savoir ni t’expliquer comme ça devant le monde ! Ça me suffit, à moi, que tu sois accordée avec Blanchon, on en causera ce soir tous les trois, et tu reconnaîtras l’utilité de la chose. (À Jean.) J’espère, Jean Robin, que vous avez rien à dire pour détourner ma fille de son