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GERVAISE.

Mon devoir ?

JEAN.

Oui ! t’as compris que, si tu ne voulais pas de moi, c’était fini de moi.

GERVAISE.

Fini ?

JEAN.

Ah ! dame ! on n’aime pas tous les jours comme je t’aime ! Écoute : tu n’as qu’une idée en tête, qui est de me retirer de la folie, comme tu dis. Eh bien, y a qu’un moyen : faut m’aimer.

GERVAISE.

Mais je vous aime, Jean ! je vous aime bien trop !

JEAN.

Trop ? Je ne vois point ça !…

GERVAISE.

Je fais le mal pour vous plaire. Oui, depuis que vous m’avez pris ma volonté, je ne fais plus que du mal !… Je désobéis à mon père, je lui fais des mensonges, et j’expose mon petit frère à être grondé et puni.

JEAN.

Employer ton petit frère à porter nos messages, ça, permets-moi de te le dire, Gervaise, c’est des imprudences ; les enfants, ça bavarde ! et puis les enfants… c’est les enfants ! faut laisser ça tranquille ! ça apprendra le mal assez tôt.

GERVAISE.

Le mal ? Vous voyez, vous le dites vous-même, que notre amour est coupable ! J’ai beau vouloir vous croire sincère, je vis dans la peur, c’est ma conscience qui m’avertit et qui m’accuse.

JEAN.

Faut l’accuser que d’une chose, qui est de me rendre malheureux. Tu ne veux point sortir avec moi. Si je te rencontre dans un chemin, tu me dis quatre paroles, comme au premier venu, et tu te sauves comme si t’avais peur de moi ? Pourquoi que t’as