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Scène III.


MARIETTE, endormie ; BLANCHON, puis JEANNE.


BLANCHON.

Allons, allons, Dieu merci, c’est rien ! J’en ai bien attrapé aussi, moi, des bons coups. (Il se frotte l’épaule.) Mais ça se voit pas et j’en veux rien dire. D’ailleurs, le plus mauvais coup, c’est celui que j’ai reçu dans le cœur… (voyant Mariette.) Ah ! mais la v’là toute seule ! À quoi donc pense sa marraine de la laisser dormir comme ça devant c’te porte ? Je vas la garder, moi. (Jeanne l’observe de la porte de Germinet.) Est-elle gentille ! (Soupirant.) Et dire que c’est fini pour moi ! qu’on ne me souffrirait point la regarder, si on me savait là ! Ça a-t-il l’air tranquille… et doux ! C’est comme une colombe qui dort, quoi ! la tête dans ses plumes blanches. C’est drôle ! j’oserais seulement pas y donner un baiser sur sa main ! Si je touchais à tout le moins son ruban ? Non ! faut pas ! ça serait trop ! C’est comme une sainte de chapelle qu’on a envie d’y dire une prière. Il s’agenouille sans y songer.) Ça remet peut-être bien les péchés de regarder une petite ange mignonne comme ça !


MARIETTE, s’éveillant.

Tiens ! qu’est-ce que vous faites donc là, monsieur Blanchon ?

BLANCHON.

Moi ? Rien, mamselle, c’est un domino de votre jeu que vous avez laissé tomber. (Il ramasse le domino et le remet sur la table sans effleurer Mariette.)

MARIETTE.

Merci, monsieur Blanchon. Vous vous en allez ?

BLANCHON.

Non, demoiselle. Dormez à votre aise… Je vas monter la garde là-bas. (Il va au fond.)

JEANNE, à part.

Ce n’est pas pourtant d’un mauvais sujet, ces manières-là !