Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/238

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muletier a été blessé par accident ; vous lui avez donné des soins, et, grâce à vous, il sera vite guéri : qui peut vous blâmer de cette charité ?

— Oui, oui, dit le moine : gardez bien la fiole et usez-en deux fois par jour. Lavez bien la plaie à l’eau courante, aussi souvent que faire se pourra ; ne laissez point les cheveux s’y coller, et tenez-la à couvert de la poussière : c’est tout ce qu’il faut. Si vous veniez à prendre la fièvre, faites-vous faire une bonne saignée par le premier frater que vous rencontrerez.

— Merci ! dit Huriel. J’ai assez perdu de sang comme cela, et ne crois point qu’on en ait jamais trop. Grâces vous soient rendues, mon frère, pour vos bons secours, dont je n’avais pas grand besoin, mais dont je ne vous sais pas moins de gré ; et, à présent, recevez nos adieux, car voilà qu’il fait jour, et votre prière vous a retenu ici un peu trop.

— Sans doute, reprit le moine ; mais me laisserez-vous partir sans me faire un bout de confession ? J’ai soigné votre peau, c’était le plus pressé ; mais votre conscience est-elle en meilleur état, et pensez-vous n’avoir pas besoin de l’absolution, qui est pour l’âme ce que le baume est pour le corps ?

— J’en aurais grand besoin, mon père, dit Huriel ; mais vous auriez tort de me la donner ; je n’en suis pas digne avant d’avoir fait pénitence : et quant à ma confession, vous n’en avez que faire pour me prêcher, vous qui m’avez vu pécher mortellement. Priez Dieu, pour moi, voilà ce que je vous demande, et faites dire beaucoup de messes pour… les gens qui se laissent trop emporter à la colère.

J’avais cru d’abord que le muletier plaisantait ; mais je connus que non, à la manière triste dont il parla, et à l’argent qu’il remit au carme en finissant son discours.

— Comptez que vous en aurez selon votre générosité, dit le carme en serrant l’argent dans son aumônière ; et