Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/276

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et revenir ici aussi bon à voir et meilleur à entendre que tous les galants de Brulette.

— Mais, lui dis-je encore, si elle fait son choix avant ton retour ? La voilà qui prend dix-neuf ans, et pour une fille courtisée comme elle l’est, il est temps qu’elle se décide.

— Elle ne se décidera que pour Huriel ou pour moi, répondit Joseph d’une voix assurée. Il n’y a que lui ou moi qui soyons faits pour lui donner de l’amour. Excuse-moi, Tiennet, je sais, ou, tout au moins, je crois que tu y as songé…

— Oui, répondis-je, mais je n’y songe plus.

— Et bien tu fais, dit Joseph, car tu n’aurais point été heureux avec elle. Elle a des goûts et des idées qui ne sont pas du terrain où elle a fleuri, et il faut qu’un autre vent la secoue. Celui qui souffle ici n’est pas assez subtil et ne pourrait que la dessécher. Elle le sent bien, malgré qu’elle ne le sache point dire, et je te réponds que si Huriel ne me trahit point, je la retrouverai libre dans un an et même dans deux.

Là-dessus, Joseph, comme épuisé de s’être abandonné si longtemps, laissa retomber sa tête sur l’oreiller et s’endormit. Il y avait bien une heure que je me débattais pour ne pas lui en donner exemple, car j’étais las tout mon soûl ; mais quand, à la levée du jour, j’appelai Joseph, rien ne me répondit. Je le cherchai ; il était parti sans réveiller personne.

Brulette alla, dans le jour, voir la Mariton, disant que c’était pour lui apprendre doucement la chose et savoir ce qui s’était passé entre elle et son fils. Elle ne voulut point de ma compagnie pour cette visite, et me dit, au retour, qu’elle n’avait pu beaucoup la faire expliquer, parce que son maître Benoît était malade et même en danger pour un coup de sang. J’augurai que cette femme, obligée de soigner son bourgeois, n’avait pas pu, la veille, s’occuper de son garçon autant qu’elle l’aurait souhaité, et que Joseph en avait pris de la