Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/277

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jalousie, comme son naturel annonçait de s’y porter en toutes choses.

— Cela est vrai, me dit Brulette ; à mesure que Joset s’est déniaisé par l’ambition, il est devenu exigeant, et je crois que je l’aimais mieux simple et soumis comme il était d’abord.

Et comme je racontai à Brulette tout ce qu’il m’avait dit la veille, avant de s’endormir : — S’il a un si beau vouloir, dit-elle, nous ne ferions que le contrarier en nous tourmentant de lui plus qu’il ne souhaite. Qu’il s’en aille donc à la garde de Dieu ! Si j’étais une coquette mauvaise comme tu me l’as quelquefois reproché dans le temps, je serais fière d’être la cause que ce garçon en cherche si long pour élever son esprit et son sort ; mais cela n’est point, et je regrette plutôt qu’il n’agisse pas seulement en vue de sa mère et de lui-même.

— Mais n’a-t-il pas raison pourtant, quand il dit que tu ne pourras choisir qu’entre Huriel et lui ?

— J’ai du temps pour penser à cela, dit-elle en riant des lèvres sans que sa figure en fût égayée, puisque voilà les deux seuls galants que Joseph me permette, s’enfuyant de moi de toutes leurs jambes.

Pendant une semaine, l’arrivée de l’enfant que le moine avait apporté chez Brulette fit la nouvelle du bourg et le tourment des curieux. Il en fut bâti tant d’histoires que, pour un peu, Charlot aurait été le fils d’un prince, et chacun voulait emprunter de l’argent ou vendre des biens au père Brulet, estimant que la pension qui avait pu décider sa fille à un métier si contraire à ses goûts devait être le revenu d’une province, à tout le moins. On s’étonna vite de voir que le vieux et la fillette ne changeaient rien à leur pauvre vie, ne quittaient point leur petit logis et n’y ajoutaient qu’un berceau pour coucher l’enfant, et une écuelle pour lui faire sa soupe. Il en fallut donc rabattre ; mais des commères, qui n’en voulaient point