Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/302

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Comme il faisait grand chaud, je lui fis offre de la conduire dans un petit bois anciennement cultivé en garenne, qui joute le château ruiné, et qui, bien clos encore d’épines et de fossés, est un endroit bien abrité et retiré. — Allons-y, dit-elle. Le petit dormira sur moi, et tu retourneras te divertir.

Quand nous y fûmes, je la priai de me laisser avec elle.

— Je ne suis plus si curieux de noces que j’étais, lui dis-je, et je m’amuserai autant, sinon mieux, à causer avec toi. On s’ennuie quand on n’est pas dans son endroit et qu’on n’a rien à faire, et tu t’ennuierais là ; ou bien tu y serais peut-être accostée de quelque monde qui, ne te connaissant point, te donnerait une autre sorte d’ennui.

— À la bonne heure, répondit-elle ; mais je vois bien, mon pauvre cousin, que je te suis toujours un embarras ; et cependant, tu t’y donnes de si grand’patience et de si bon cœur que je ne sais point m’en déshabituer. Il faudra pourtant bien que ça vienne, car te voilà dans l’âge de t’établir, et la femme que tu auras me verra peut-être d’un mauvais œil, comme font tant d’autres, et ne voudra point croire que je mérite ton amitié et la sienne.

— C’est trop tôt pour t’en tourmenter, lui dis-je en arrangeant le gros Charlot sur ma blouse que j’étendis sur le gazon, tandis qu’elle s’asseyait à côté de lui pour lui virer les mouches : je ne songe point au mariage, et s’il m’arrive de m’engager dans ce chemin-là, je te jure que ma femme fera bon ménage avec toi, ou que je ferai mauvais ménage avec elle. Il faudrait qu’elle eût le cœur planté de travers pour ne point reconnaître que j’ai pour toi la plus honnête de toutes les amitiés, et pour ne pas comprendre que, t’ayant suivie dans tes joies et dans tes peines, je me suis accoutumé à ta compagnie comme si toi et moi ne faisions qu’un. Mais toi, cousine, ne songes-tu