Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/328

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Je lui en aurais dit davantage, mais Huriel sortit de sa chambre, beau comme un soleil, et plus pressé de s’en aller que moi, qui me serais bien convenu en la compagnie de sa sœur. Elle le retint un peu pour lui arranger sa cravate et lui nouer ses jarretières de dessus, ne le trouvant jamais assez bien pour être digne de danser toute une noce avec Brulette ; et ce faisant : — Nous expliqueras-tu, lui dit-elle, pourquoi tu t’es montré si jaloux de ne la laisser se divertir qu’avec toi ? Ne crains-tu pas de la choquer par un si prompt commandement ?

— Tiennet ! dit Huriel, s’arrêtant tout d’un coup de s’arranger, et prenant Charlot qu’il mit sur la table pour le regarder tout son soûl, à qui est cet enfant-là ?

Thérence, étonnée, demanda d’abord à lui, pourquoi il faisait cette, question-là, et ensuite à moi, pourquoi je n’y répondais point.

Nous nous regardions tous les trois dans les yeux, comme trois essottis, et j’aurais donné gros pour pouvoir répondre, car je voyais bien qu’une pierre menaçait de nous tomber sur la tête. Enfin, je pris courage en me souvenant de ce que j’avais senti, ce jour-là même, d’honnêteté et de vérité dans les yeux de ma cousine, à une pareille question que je lui avais faite ; et allant tout de suite de l’avant, je répondis à Huriel : — Mon camarade, si tu viens en notre village, beaucoup de gens te diront que Charlot est l’enfant de Brulette…

Il ne me laissa pas continuer, et, prenant le petit, il le toucha et le retourna comme un chasseur qui examine un gibier de rencontre. Craignant quelque idée de colère, je voulus lui retirer l’enfant, mais il le retint en me disant :

— Ne crains rien pour un pauvre innocent ; je ne suis pas un mauvais cœur, et si je lui trouvais de la ressemblance avec elle, peut-être qu’en détestant mon sort, je ne pourrais pas m’empêcher d’embrasser cette