Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dit-elle tout d’un coup, comme pour me faire entendre que je restais trop longtemps.

Et, comme j’avais déjà inventé cinquante petites histoires pour ne pas m’en aller, je me trouvai à court, et ne sus rien lui dire, sinon que j’étais occupé à la regarder.

— Est-ce que ça vous amuse ? fit-elle.

— Je ne sais pas, lui répondis-je. Autant vaut demander au blé s’il est content de se sentir pousser au soleil.

— Oh ! oh ! il paraît que vous êtes devenu malin pour tourner les compliments ! mais pensez donc que c’est peine perdue avec moi, qui n’y comprends rien et n’y sais rien répondre.

— Je n’y connais rien non plus, Thérence. Tout ce que je veux dire, c’est qu’à mon idée, il n’y a rien de si beau et de si sain à voir qu’une jeune fille prenant son plaisir dans la causette d’un petit enfant.

— Est-ce que ça n’est pas naturel ? dit Thérence. Il me semble, à moi, que je rentre dans la vérité des choses du bon Dieu, en regardant et en écoutant ce marmot. Je sens bien que je ne vis pas, à l’ordinaire, comme une femme doit aimer à vivre ; mais je n’ai pas choisi mon sort, et l’état voyageur et abandonné que je mène est dans mon devoir, puisque j’y suis le soutien et le bonheur de mon père. Aussi, je ne m’en plains pas et ne souhaite pas une vie qui ne serait pas la sienne ; seulement, je comprends bien le plaisir des autres ; celui que Brulette a dans la société de son Charlot, qu’il soit à elle ou au bon Dieu, me serait très-doux aussi. Je n’ai pas eu souvent l’occasion d’un si gentil divertissement, et je peux bien le prendre où je le trouve. Vrai, c’est une jolie compagnie que ce petit bonhomme, et je ne savais pas que ça pouvait avoir tant d’esprit et de connaissance.

— Et pourtant, mignonne, ce Charlot n’est aimable que par les grands soins de Brulette, et il lui a fallu